
« Madame, si vous me ramenez un code pénal de Roumanie, je vous rembourse l’achat. Ce que vous faites c’est de la folie ! » Telle fut la réponse du ministère des Affaires étrangères à l’aube des démarches d’adoption. Pourtant, au-delà de tous les découragements reçus, ma sœur et moi sommes bel et bien là aujourd'hui, témoins de ce périple hors du commun.
Ainsi débute l’histoire : Suite à l’accident et la tétraplégie de notre père, nos parents décident de se tourner vers l’adoption. Ils découvrent par le biais de nouvelles connaissances, que 2 enfants en Roumanie vivent dans des conditions difficiles avec leur maman qui peine à assurer leur survie. Le dictateur Ceausescu qui était au pouvoir depuis 1965 vient de tomber, le pays deviens encore plus instable. Sa dictature avait plongé le pays dans la pauvreté et la peur. Il y a peu de nourriture, beaucoup d’enfants partent à l’orphelinat. C’est dans ce contexte incertain et périlleux que notre mère, portée par une grande détermination, entreprend en février 1990 le voyage jusqu’à Bucarest
Cette rencontre bouleversante avec nous, ses futurs enfants, marqua son Être bien au-delà de l’épreuve qu’avait été l’accident de notre père. Elle nous a vu, deux petits êtres fragiles, dans un environnement hostile et cela l'avait énormément affecté. Elle était prête à tout pour nous arracher à ce destin incertain.
Les démarches de l’adoption ont été longues et douloureuses, le pays n’avait plus de lois, rien n’avançait. Notre mère faisait plusieurs allés/retours à chaque fois non concluant et mettait sa vie en danger. Malgré parfois quelques pertes de force, des doutes, elle ne voulait pas laisser tomber. Elle pouvait compter sur le soutien de notre père par téléphone qui ne pouvait pas faire le voyage. Ils avaient décidé que nous serions leurs enfants et cela prendrait le temps qu’il faudra. La lumière jaillie de nulle part quand début Octobre 1990 ils finissent par obtenir le droit d’adoption pour 1 enfant, c’était le moment ou jamais de partir, les gens lui disaient « partez avec la fille tant qu’il en est encore temps », mais ma mère a dit « je ne partirai pas sans les deux, je refuse de les séparer ».
Le 11 octobre 1990, mes parents ont réussi ! Malgré tous les découragements des personnes haut placées, des gens qui lui ont mis des bâtons dans les roues, son courage a payé et aujourd’hui nous sommes ici.
Aujourd’hui, elle nous regarde depuis le paradis, emportée par la maladie du cancer, emportant avec elle des douleurs profondes et des blessures qu’elle n’a jamais vraiment pu exprimer. Un jour, elle nous a confié que les souvenirs de l’adoption continuaient de la hanter. La rencontre bouleversante avec ma sœur et moi l’avait marquée profondément, mais ce qui l’avait le plus troublée, c’était d’avoir été témoin de la séparation avec notre mère biologique, ce sentiment déchirant d’avoir pris des enfants à une autre mère. Cette image, ce poids, l’avait laissée durablement meurtrie.
Elle était cette femme qui, à seulement vingt-quatre ans, a dû faire un choix lorsque notre père s’est retrouvé paralysé à vie après un accident, et pourtant, elle a choisi de rester, de l’accompagner, de construire sa vie autour de lui et a toujours oeuvré pour prendre soins des autres. Durant plus de quarante ans, elle a veillé sur lui et s’est occupé de lui avec une force tranquille, une fidélité indéfectible. Mais ce qui m’a le plus impressionné, c’était sa détermination à affronter l’adversité en partant seule en Roumanie, dans un pays instable, pour aller écrire notre destin. Elle incarnait une résilience que peu osent imaginer.
Parfois, elle a souffert de vivre dans l’ombre de notre père, cet homme charismatique que tous admiraient pour son parcours hors du commun. Mais en réalité, elle n’a jamais été dans l’ombre de personne. Elle a été la lumière, celle qui éclaire sans attirer l’attention, qui nous a éclairés pour nous faire briller. Peut-être, en tant qu’êtres humains, nous sommes peut-être plus attirés par ce qui brille que par ce qui illumine, en oubliant de voir ceux qui éclairent sans bruit. Tant de personnes œuvrent dans l’ombre, oubliées, pourtant essentielles dans leur humilité.
Aujourd’hui, c’est à nous de la faire rayonner, de partager son histoire, cette histoire discrète mais immense qui a transformé le destin d’une famille. Elle demeure une lumière, un ange, que nous n’oublierons jamais. Ma soeur et moi ne sommes peut-être pas nés dans un berceau bien au chaud, mais d’une belle histoire de courage, de sacrifice et d’amour.
Cette histoire racontée a été résumé en quelques lignes. La réalité a été bien plus complexe que ça. Il y a une autre personne a joué un rôle très important, c’est notre maman biologique. Cette femme courageuse, qui a fait preuve d’un amour et d’un sacrifice indicibles qui à faciliter cette l’adoption et changé notre destin.
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